《屬於藝術家 YEH FANG葉方 2020思維場域Thoughts Area–「量子藝術美學【 Quantum Art Aesthetics 】第一分子細胞」-非場域創作發表系列》三部曲 3-2-創作側寫的面對

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《屬於藝術家 YEH FANG葉方 2020思維場域Thoughts Area–「量子藝術美學【 Quantum Art Aesthetics 】第一分子細胞」-非場域創作發表系列》三部曲 3-2-創作側寫的面對

圖檔/ YEH FANG葉方 撰文/ Jean-Paul Gavard-Perret

透析葉方創作思維的雙重性

/ Jean-Paul Gavard-Perret

很少有藝術家能運用其學理與實作經驗習得的《轉換能力》來鋪陳構圖,以便挖掘事物的真相。善於運用過去累積的實力 來進行藝術創作的葉方,正屬於這類型的傑出人士。她的作品突顯出令人讚嘆、蒼窮無盡、具內斂戲劇性的繪圖藝術,也展現 出她對人與宇宙巧妙融合的深刻體悟。

 

交錯綜衡的單色圖以幻視、灰色調的暈塗法,在作品中創造出韵染溶化與閃閃火光的效果。堅挺的畫布上呈現出的波浪意 象,讓人不禁聯想到印象派畫家。如同後者,葉方作品的真誠基於三項準則:內我風景、原創、與普世價值,少了這三項便失 去了其畫風的特殊性。

內我風景仍是其作品主力。畫家透過身體及情感的涉入將其表達出來,並用其呈現出靈感源頭與形構成品的瞬息連結性。 內我的真摯情感無時不刻存在其作品中,然而今日此原則卻在被實驗藝術流派所忽視,這些實驗創作構成一種特殊、代表“官 方"卻時富爭議性的當代藝術文化。

內我風景讓葉方找到後現代藝術危機的出口。她的作品結合了行動繪圖與抽象印象創作。這樣的創作手法能直接表達出內 在情感,並使其極富感染力。葉方與一些虛假要求內在情感的形式主義者不同,那些形式主義者認為可以透過繪圖技法及美麗 的假象來違抗藝術必然性:個人表達及情感衝擊。

在《生命的容顏》系列創作中,葉方詮釋出宇宙萬物不滿足的嘶嘶作響、因非永恆的脆弱而生的顫抖。然而奇妙矛盾的是, 萬物也蘊含著永恆。在飄散著灰白霧靄的氣流中,溫和、柔軟、幻夢的柔絮透過奇異的震動方式膨脹漸長。非同尋常的光輝從 其中釋出,一種由集膚效應而生的磷光現象。

葉方的繪畫成為探索萬物潛能的場域,是視覺可見的圖形表象,卻又與其他圖像有所不同。她的造型藝術致力於排除眾所 皆知的物象,而形構出較強烈、富表達性的意象,就如同貝克特所說,神秘特殊的《繪畫的事物原質性》。葉方的作品頌揚事物, 但又不忘維持窺伺事物的狀態。觀者處在一個矛盾的情境中,面對一個既存在又同時缺席的世界。

葉方以既閉鎖又開放的構圖來呈現內我世界,集中卻又外放四散,具有組構式的能量。每個圖像元素皆蘊含於其形體之中, 卻又沒有真正的《 與形體邂逅 》。既有近距離的感官接觸,卻又分離,這使精神性的自行交媾能充分進行。

葉方追求的並非奇幻想像,而是一種純粹可能性的陶醉。畫家無時不刻存在的精神世界,建構了一座富相對矛盾性的愉悅 花園,遠離了所有物象的平庸瑣碎。靈魂的強大能量,建立了可見事物與不可觸事物之間的連結,兩者相互依存。群花的柔韌, 體現在飄渺不可探知的原質性中,無窮無盡與稍縱即逝在其中和諧共存著。力道有時會在畫布中轉化為漸逝的液體(例如與茶 碗的運用),來體現男性潛意識中陰柔的一面。

非儀器亦非工具,繪畫既是物象的韵染流線,精神的靈肉,也是情感的素材。葉方徜徉於群花的迷宮間,開啟長廊、未知 過道、被遺忘的捷徑與通往未知羊腸小徑的岔路。必須穿越它們以便通往寧靜。並非是那種使人不堪負荷的寂靜,而是透過圖 像與心靈相通的沉靜。此沉靜成了體現生命存在的場所,飄懸於空無之上。此《空無》無法由法文來解釋,而是等同於拉丁文 的《vois》。

葉方的作品回應了一些畫家蒙德里安 , 馬列維其及史特曼斯基為持續精進畫作所提出的問題。其中還有一些關於單色畫與 圖面配置的思考,這些思考的成品累積了葉方所有不同時期的創作及演進,延續了其繪畫品質、實力、活力、及不斷演進的畫 面構圖。

《無調性》並非將繪畫圖像化,而是將之轉為一種縈繞的思緒。空無是葉方藝術裡隱藏的秘密,是繪畫與其詮釋兩者間的 辯證。以灰調效果呈現出的《去實像化》,創造了一個奇特的、漂浮的藝術場域。觀者可將其稱之為一種超脫:所有處理結構 性寧靜的偉大藝術皆致力推敲的超脫。 這樣的繪圖讓葉方開啟了一條新的道路,越過了以單色畫為主流的當代繪畫的終點。葉方早就知道必需從其開始,以便走 得更遠。她將自身安頓於未知領地的邊界,一個只剩遠景還映照著大理石斑紋光輝的地方。流動的繪圖呈現了一個明晰的內我, 飄流於無境之處。在那個場域裡,畫布與使之流動的能量之間,產生了某些東西。

葉方證明了繪畫在其消逝中存在。領悟了西方與東方繪畫的要義後,葉方的優異之處在於:拒絕以《限額配置》(DidiHuberman 的理論)來吸引觀者。事實上,每張畫布都呈現出轉化的效果,她不在畫布上釋義他人的作品來體現自己的創作。 無須拐彎抹角、藉助繪畫用語來陳述。萬物是一連串重複出現的意象,這些意象為通往內我世界而走出禁閉。

作品是能量被安撫了的場域,也是一個富磁性魅力的劇場。葉方的畫是波滔起伏,是形跡,是斷口,是翻騰,是蜿蜒曲折。 它們訴說著難以名狀的原質性,以及直到觀者屏息凝視才能觸及到的事物核心。並不是作品闡明了一切,所以觀者能見到其核 心,而是這一切會突然出現在觀者面前、在觀者內心深處,成為觀者的一部分。

單義與複義的王國 葉方的世界在幻夢與現實中擺盪,以後現代又不失原始風格的繪圖手法合併東西方文化,既是空無也是盈滿。《原始》藝 透析葉方創作思維的雙重性 / Jean-Paul Gavard-Perret (摘自2016行空程式一篇全文) 11 術,例如圖像,與先進技術的溶解液結合,形成精妙、無可挑剔的形構,不斷地呈現出心象。其灰色元素主導的構圖,精釀出 特殊的清透澈亮。僅有在少數時候,才飾以色點來點綴。 牡丹花與茶碗仍舊是葉方繪圖的常見主題。歸功於這些女性化的象徵元素,畫家以最細緻、節制的情感,來表達內我的私 密。情慾蘊藏於其中 : 粒型與液狀元素賦予情慾一種夢境、創造與希望的能量。

《賦格》的運用使繪畫物件偏離視野軸心,讓畫面構圖由大地上升至天頂,萬物都在向上飄移。觀者無須攀爬一道通至蔚 藍天頂的高牆,或乘坐靈魂的天梯,而是透過靈魂出竅的方式,來通達神祕天境,靈魂在其地毋須聽命於神祉。 每幅作品都觸及了靈魂的私密深處,在那裏孤寂漫延著。那孤寂並非如同《被詛咒的思索苦役》般的感受,而是一種必要 的存在經驗。在暗夜與光明之間,知覺感受向無限延伸,變得神秘莊嚴。所有的思緒都將專注於探求的生命意義。

作品中的寧靜成為一種對抗不安與惶恐的方法。藝術家將原始的素材轉換成美的象徵,屏除了膚淺的感知(那些以基本創 作手法構成的《 炮竹式喧囂》的畫面)以便突顯最深層的情感。 葉方在不同的創作重組中,交疊演譯著幻夢與真實,並非以自然災難來引導思索萬物的重生,而是透過光與影的效果,重 新發掘一個富含礦植物的世界。在其中,影像致力於慾念的節制,以便使靈魂進入天人合一的不同境地。

《簡約》的畫面賦予世界一種柔弱的永恆。在隱喻手法上,葉方受畫家特納與亨利威斯利的啟迪,繪製出近似表現主義的 作品,但確切來說,只偏向其《概念》部分。事實上,表現主義的 《概念》並非僅限於其抽象特質,也包含了油畫在畫布上揮 灑呈現出的能量。這些特點打破了限縮於山形輪廓之大自然的崇高莊嚴。 即便隱藏著頑固的不調和性,葉方的每幅作品仍保有其和諧性。創造出一個交雜著柔美與情感的儀禮世界。她以先賢大師 們的繪圖技法建構每幅作品,但又同時岔開了他們訂立的規範。重要的不是這些繪畫主題從何而來,而是它們會變成何種樣貌。 此外,藝術家也很注重細節的意義,以便創造出不同組合,規劃出某個世界的界線範圍。觀者常不知自己是否身在其中, 又或者已出了界…那是一個複合型態的世界,不斷地建構於複合性的反差對比中。

人類形象在其畫作中是缺席的。起浮的線條以水平或垂直的方式延伸,那樣的美感以脫離藝術性的方式存在,因而產生了 作品的力道。 透過嚴謹的畫風及對精神層次的追求,畫家越來越渴望與事物的本質建立永恆的關係。她因此不斷地研究所謂《真實的》 繪畫:能賦予生命與觀者意義的創作。葉方熟知,唯有觸及到靈魂的最深處,才能觸及到真理。

這是為甚麼在她的繪畫中會出現超自然物象,由它延展出空間,也對抗著空間。它們往前推進,釋出能量,緩緩升起。超 自然物象帶著對神秘元素的讚嘆,這元素非來自大地,亦非天庭,而是兩者之間。所有真正的繪畫都暗藏著此一面向,繪畫來 自黑夜與白晝,來自我們開始無法清楚言語之時,來自我們初次聆聽沉寂之音的時刻。

因為渴求擁抱萬物,頌揚萬物,畫家葉方鋪陳構圖,但以最簡單的排序方式。這幾近空無飄渺的構圖向度迫使她拒絕過時 的解套法。而選擇讓繪畫創作如同一縷霧靄般,蘊含於冉冉而升的花形北極光的柔美中。她將光圈注入其中,配以音效。一種 非寫實的懷舊氛圍油然而生。

顏色在畫布中褪逝,讓事物的純淨光輝從空無中浮現,以便詮釋出內在的寧靜。一方面,葉方形構了永恆的面容,並在其 上鋪上一層霧靄;另一方面,她也形構了瞬息的面容,留下屬於構圖剎那間不可言喻的痕跡。 畫家呈現的作品是經過放慢時間的創作過程:先解構創作元素,再將其重新組合在一個透明的圖像放置處,我們所說的“面 部畫布"。我們是如此被帶往創作過程的核心。

葉方將繪畫及心象場域連結起來:物象在她的畫作中並非要角,取而代之的是水墨運染的揮灑線條。以為僅須畫布上的一 點瑕疵,萬物就可能崩解,事實上卻非如此。相反的,藝術家以強烈的情感呈現感官盛宴,卻又同時使這些不同的藝術語言獨 立運作於其具挑逗的複雜性中。每一抹灰階的暈塗法既是感官的誘惑,亦是能讓觀者投入的心象場域。

葉方找到與二元對立(靈 / 肉,物象 / 抽象)截然不同的創作法,她選用不可分割的實體來詮釋萬物的互動性而非對立性。 葉方在真實與虛幻,自省內斂卻又狂熱外放之間,製造張力。繪畫發掘了神秘元素的藏身處,顯現出既堅強驕傲又脆弱敏感的 事物特質。與其描繪出真實的片段,這位中國女人偏好體現出縈繞的氣流,它的色澤,它的霧靄,它的白皙半透。它那以既非 全然屬實,亦非全然為虛的方式存在。

這是為什麼觀者不能將葉方的作品視為一面鏡子,而是在層層霧靄中重新解讀世界的一頁篇章。藝術家將我們投入一個反 向的生命中,繪畫以其詮釋的主題將此反向生命延展開來。那些我們以為已經枯萎的花朵在其中改變著面貌,以難以察覺的方 式蠕動著。不存在的天空射下光輝,吞食了昏暗。生命漂浮移動著,遠離一切繁瑣小事,在一連串的轉移過程中散發光芒。呈 現出在我們面前的樣貌。世界的容顏在此生命中被翻轉過來了。

Jean-Paul Gavard-Perret, 2016.6

 

FLEURS DE PERSONNE – YE FANG

I LA PEINTURE ET SON DOUBLE

/ Jean-Paul Gavard-Perret

 

Il existent peu d’artistes capables d’articuler la peinture pour faire la lumière en se servant de ses « commutateurs »d’une façon dégagée de doctrine et d’ordonnance- sans pour autant faire table rase de l’apport de l’histoire de son art. Ye Fangapparient à cette élite. Son travail souligne ce qu’il existe de fascinant, d’inépuisable et de diaphane dans la peinture et sathéâtralisation minimale. Une compréhension plus profonde des rapports qui “unissent” et régentent l’être et le cosmos y estprésente.

Entrelacs et trames sous forme (le plus souvent) de monochromes créent dans l’œuvre une dissolution et unflamboiement. Ils ouvrent la voie à des phosphènes et des sfumatos de gris. La figuration ondule sur la rigidité de la toile.On pense forcément aux impressionnistes. Comme eux l’artiste cultive l’authenticité en trois grands critères : l’intériorité,l’originalité et l’universalité sans lesquelles il n’est pas de singularité qui tienne.

L’intériorité reste essentielle. Elle se manifeste notamment par l’implication corporelle et émotionnelle de l’artistegarante de l’immédiateté du lien entre la source du geste créateur et son résultat. Et l’authenticité – paradigme aujourd’huibousculé par les expérimentations variées qui construisent la culture très spécifique et parfois discutable de l’art contemporain« officiel » – demeure omniprésente.

L’artiste trouve en conséquence une issue à la crise de la postmodernité. Son œuvre tient autant de la peinture gestuelle,que de l’impressionnisme abstrait. Elle permet l’extériorisation immédiate de sentiments et de sensations intérieurs soudaincommunicables. Ye Fang prend le contre-pied de cette fausse exigence d’intériorité des formalistes qui croient transgresserl’impératif d’expression personnelle et d’impact émotionnel par jeu et décor.

Dans les « figures » que Ye Fang retient tout tremble, chuinte d’inassouvi, d’impermanence de fragilité. Or – etparadoxalement – tout prend valeur d’éternité. Dans la poussière des gris de l’air, la douceur et le moelleux, l’ouate du rêve gonflent par vibration étrange. Une lumière particulière est créée. Surgit une phosphorescence par effet de peau ou de voile.

La peinture devient une zone de potentialité. Elle se distingue de toutes les figures du tableau dont elle est pourtantl’apparence visible. Le travail plastique concourt à excepter l’évidence directe pour d’autres « figures » plus denses etexpressives au sein d’une « choséité de la peinture » (Beckett) particulière, alchimique. L’œuvre est de l’ordre de lacélébration mais demeure en état de guet. Nous sommes là dans la situation contradictoire d’avoir affaire à un monde et à sonabsence.

Les compositions sont à la fois fermées et ouvertes en un schème d’immanence, de dispersion et de concentration et aussi d’énergie constitutive. Chaque élément est inclus dans sa forme sans véritablement « la rencontrer ». Il existe l’approche

d’un contact sensoriel mais aussi une séparation. Cela permet l’épanouissement d’un phénomène de pollinisation spirituelle.

Ye Fang ne cherche pas le fantastique mais le vertige de la pure possibilité. L’esprit est donc toujours présent pour l’apparition d’un paradoxal jardin des délices loin de toute trivialité physique. La puissance de l’âme constitue le rapport entre le visible et l’impalpable.

Le premier devient la présence du second. La peinture fait donc surgir des substances flexibles (fleurs) dans leur essence insaisissable. Elle propose des concordances infinies et fugaces Des intensités qui se liquéfient parfois dans les toiles (avec

coupelles par exemple) pour quelles restent des moments révélateurs de l’Anima.

Ni instrument, ni outil, la peinture devient autant effluve physique, chair spirituelle que matière de l’émotion. Ye Fang parcourt les labyrinthes des fleurs, en ouvre des galeries, des passages inconnus, des raccourcis oubliés, d’autres croisements vers des chemins ignorés.

Il faut les franchir afin de progresser vers le silence. Non celui qui terrasse mais celui de la communion à travers l’espace pictural. Il devient lieu de l’être rendu visible et en suspens au-dessus du vide. Ce vide n’est plus ce que le mot recouvre en français mais répond à ce qu’il signifie en latin : « vois ».

L’artiste répond aux questions qui, depuis Mondrian, Malevitch et Strzeminski, continuent à aiguiser la peinture. Entre autre dans son questionnement du monochrome, de la surface. Celui-ci relie toutes les périodes de son travail et de sa progression. Demeurent la qualité, la force, la vitalité, l’emprise en perpétuelle évolution de la structure de la surface.

L’ « atonalité » transforme la peinture non en image mais en hantise. Une idée de non-lieu joue comme un caché de son 13 art, comme le rapport dialectique entre la peinture et sa présentation. Et la « déréalisation » par effet de grisé permet l’avènement d’un lieu de l’art, toujours étrange, toujours flottant. On peut parler de déprise : celle que travaille tout grand art

qui traite du silence organique.

Dans un tel acte, Ye Fang échappe aux apories liées à une vision fondée sur la négation. Elle ouvre une voie nouvelle audelà du terminus de la peinture moderniste représenté généralement par le monochrome. Elle a su repartir de lui, afin d’aller plus loin. S’installant au bord de terres inconnues que n’éclairent plus que de lointaines marbrures, sa peinture en movement offre une clarté interne et errante dans un espace de nulle part mais où quelque chose a lieu entre le support et ce qui, dessus, fait mouvement.

L’artiste prouve que c’est en s’effaçant que la peinture existe. Ayant tout compris de la peinture occidentale comme del’orientale et de leurs enjeux, l’artiste possède un immense mérite : elle se refuse de séduire en jouant sur le “contingentement”

(Didi- Huberman). Chaque toile offre en effet un état de transformation qui exclut toute paraphrase d’autres œuvres d’ici ou d’ailleurs. Et pas besoin alors pour en parler de faire le détour par l’allusion à un métalangage ou une méta-peinture. Tout est “à l’image” en des suites d’anaphores. Elles sortent de la clôture pour aller vers l’immanence.

L’œuvre est un champ de forces apaisées, un théâtre magnétique. Les toiles de Ye Fang sont des ondulations, des traces, des failles, des soulèvements, des entrailles. Elles disent l’innommable et le centre jamais atteint jusqu’à ce que nous puissions enfin « garder notre silence » comme nous gardons la chambre. Non pas parce que tout sera dit mais parce que tout apparaîtra soudain en face et à l’intérieur de nous comme notre matière même.

II EMPIRE DU ET DES SENS

L’univers de Ye Fang oscille entre rêve et réalité, vide et plénitude au sein d’une approche où la culture orientale rejoint celle de l’occident de manière aussi primitive que postmoderne L’art « premier » à savoir le dessin rejoint les médiums les plus avancées là où la figuration des plus subtile et en impeccabilité propose sans cesse des images mentales là où l’élément grisé (celui du graphite ?) domine afin de distiller une clarté particulière. C’est juste si parfois des pointes de couleurs le soulignent.

La fleur (pivoine) demeure (avec la coupelle) la thématique récurrente de Ye Fang. Grâce à ces symboles féminins la créatrice exprime l’intime avec la plus extrême délicatesse et pudeur. L’éros y demeure sous jacent : graines et liquides lui accorde une force de rêve, de création et d’espérance.

Les « décadrages » qui décentrent les objets de la vision, laissent le passage à une sorte d’ascension de la terre vers le ciel. Tout s’élève. Et il n’est pas jusqu’à des murs de grimper vers l’azur tel des « ascenseurs » pour l’âme afin que sortant de la maison de l’être, celle-là atteigne un paradis mystique mais non inféodé à un dieu particulier.

Chaque œuvre joue de l’intime là où une solitude rampe sans pour autant qu’elle soit ressentie comme un « pensum maudit » mais comme une expérience aussi existentielle que nécessaire. Entre le nocturne et la lumière, les sensations deviennent immenses, mystiques et solennelles. Tout porte à la réflexion sur le sens à accorder à la vie.

L’œuvre par sa sérénité devient un moyen de lutter contre l’angoisse et la peur. Les éléments premiers que l’artiste retient en deviennent les symboles de beauté qui efface les sensations superficielles (que des images « pétards » cultivent de manière basique) au profit de sentiments plus profonds.

L’artiste juxtapose le rêve et la réalité dans des recompositions où il n’est pas jusqu’aux catastrophes naturelles à engendrer réflexion et régénérescence. L’être redécouvre dans des effets d’ombre et de lumière un monde riche minéral, végétal, alchimique là où l’image cultive l’ascèse pour pénétrer l’âme dans divers types de liens entre l’être et le cosmos.

La « simplicité » de chaque image donne une sorte d’éternité fragile au monde. « Influencée » métaphoriquement autant parTurner ou Henry Fuseli nait un travail aussi expressionniste que paradoxalement proche du « concept ». Mais celui-ci n’est

plu réduit à sa partit abstraite : il possède une force charnelle qu’ouvre autant la peinture à l’huile sur toile que divers typesd’insertions. Ils semblent parfois casser la majesté de la nature réduite à un linéament de montagne.

Mais en chaque œuvre et en dépit de volontaires « dissonances » l’harmonie suit son cours. Fe Yang crée un monde cérémonial où se mêlent douceur et érotisme. L’artiste construit chaque œuvre comme un tableau à la manière des maîtres  14 anciens tout en décalant leurs règles. L’important n’est pas d’où viennent les motifs, mais plutôt ce qu’ils deviennent.

Ajoutons que l’artiste cultive le sens du détail précis afin de d’ouvrir à de multiples combinaisons qui projettent dans un univers des limites sans que nous sachions si nous restons en dedans ou si nous sommes déjà au dehors… L’univers est donc

polymorphe et ne cesse d’appuyer sur les contrastes.

En, absence volontaire de figuration humaine (qui serait intempestive en un tel point), la surrection passe entre verticalité et horizontalité là où l’esthétique échappe à l’artistique : d’où la puissance d’une œuvre qui porte le monde jusqu’au paradigme.

Par rigueur et dimension spirituelle émergent un rapport permanent et une aspiration grandissante avec le fondamental. L’artiste poursuit ainsi la recherche de la « vraie » peinture : celle qui donne sens à sa vie et à ceux qui le contemplent. Elle a compris qu’on ne peut toucher à la profondeur sans toucher à la vérité.

Surgit en conséquence une physique surnaturelle de la peinture. Elle souffle l’espace, se débat avec lui. Elle propulse, libère, soulève. Elle porte devant elle l’étonnement du Mystère. Ni celui de la terre, ni celui du ciel : celui de l’entre. Car toute vraie peinture garde toujours cette face cachée. Elle vient de la nuit et du jour, du moment où nous avons commencé à balbutier et dans ce que nous avons pour la première fois entendu du silence.

Un ordre se construit dans le besoin de tout embrasser, de tout célébrer mais par le « moindre ». Ce sens du Presque vide et du peu oblige l’artiste à refuser les vieilles solutions. La peinture émerge comme une corne de brume dans une forme d’absence inaugurale et dans la douceur où montent des aurores boréales florales. L’artiste les infuse, en grandit la rumeur. La nostalgie de l’irréel est là.

Le voile (pas forcément le “velate”) permet de se perdre dans son délavé. Surgit la pure lumière de la chose dans le rien. En ce théâtre le silence intérieur est représenté. D’un côté Ye Fang offre une apparence d’éternité en minant la poussière déposée sur elle. De l’autre, elle offre l’apparence d’immédiateté en laissant les traces ineffables de l’instant de la conception. Mais l’artiste n’imite pas l’espace qu’elle cadre : elle produit son lieu, sa fable.

Ce qu’elle montre devient le temps oeuvré, manipulé, démultiplié : c’est une composition décomposée puis remontée en un lieu de dépôt transparent de la substance imageante ce qu’on a appelé souvent “le subjectile”. Nous sommes ainsi portés au coeur des processus d’empreintes ouatées.

La créatrice rend opératoire le lieu et la peinture : il n’y a presque plus de place pour de l’image mais pour, sinon le voile, du moins l’effluve. Une seule fissure dans ce voile et tout s’écroulerait. Ce qui n’est pas le cas. Au contraire.

L’artiste sait mettre en scène les sens dans leur hybris mais parvient tout autant à autonomiser le langage plastique dans sa complexité suggestive. Chaque sfumato gris est autant une invitation sensorielle qu’un un lieu mental par lequel leregardeur peut se laisse investir.

Ajoutons que Ye Fang trouve le moyen de s’opposer au dualisme âme/corps comme figuratif/abstraction en optant pour une entité indivisible où tout fonctionne de manière interactive.

La créatrice crée une tension essentielle entre réalité et imagination et attitude autant réflexive qu’exaltée. La peinture devient un révélateur d’une nature particulière aussi diaphane que puissante et altière en mettant “le doigt sur ses cachettes” du mystère. Plus que montrer des fragments de réel la Chinoise permet de faire surgir la hantise de l’air, ses coloris, sa poussière, sa diaphanéité en un état de survivance qui n’appartient ni tout à fait au réel, ni tout à fait à l’imaginaire.

C’est pourquoi il ne faut pas penser l’œuvre de Ye Fang comme un miroir mais une page où se relit le monde en des nappes cendrées. L’artiste nous projette en une vie à l’envers propagée par ce que la peinture laisse émerger dans ses courants d'”air” dans le présent mythologique de chaque toile. Les fleurs qu’on croyait mortes y changent de profils et se meuvent imperceptiblement. Un ciel absent lance sa lumière, dévore l’ombre. Elle flotte et rayonne loin de toute anecdote dans une

suite de “délocalisations” : c’est comme si la tête chauve de l’homme s’ouvrait à travers son masque. Le visage du monde en

est renversé.

 

Jean-Paul Gavard-Perret, juin 2016

 

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